Il était une fois sur l'île du lac de Pagiriai, un pêcheur du nom de Bebentchioukas. Chaque matin, il allait pêcher avec sa barque. Le soir, après avoir vendu sa prise pour quelques sous, il achetait des chips, du coca-cola ou de la crème, et il cachait le reste dans une tirelire en pierre. Il avait l'intention l'année suivante, après avoir bien économisé, de chercher une femme et faire un merveilleux mariage. Il aura alors besoin d'argent pour acheter une nouvelle barque puisque sa femme aussi aimerait pêcher. Après la naissance des enfants, la famille créera sa propre société de pêche "Bebentchioukas". Quel meilleur nom penser?
Tant qu'il n'y avait ni femme ni enfants, le pêcheur rentrait chez lui le soir, faisait cuire du poisson, mangeait des chips, dégustait du coca-cola, regardait le ciel étoilé et lisait des histoires. Celle qu'il préférait entre toutes était l'histoire du nom de sa future société "Bebentchioukas". C'est pourquoi, en lisant une phrase après l'autre, il s'égarait souvent en esprit à l'époque où des elfes ou des fées, soupçonnées de paresser sur les berges des lacs, avaient obligé plus d'un pêcheur à croire en leurs enchantements.
– Comme c'est bien que ce soit aujourd'hui une autre époque! Je peux dormir tranquillement, car aucune fée ni elfe n'a sonné une seule fois à la porte de ma chaumière. Après avoir soufflé la bougie et s'être réconforté, l'heureux Bebentchioukas plongeait dans le royaume des rêves.
Il aurait continué à vivre ainsi, si un événement étrange n'avait troublé sa tranquillité. Un soir, de bruyants touristes s'égarèrent à l'improviste sur l'île. Comme il en avait l'habitude, le pêcheur se préparait à cuire du poisson, lorsqu'il entendit des bruits étranges derrière la fenêtre. La porte à peine entrebâillée, il aperçut quelque chose d'incroyable: des personnes bizarres en short ou sans pantalon, rasées ou avec des cheveux longs dansaient autour de son bûcher comme des sauvages. Ils saluèrent bruyamment le maître des lieux:
– Salut, l'Indien!
– Bonjour, Robinson!
– Hello, Tarzan!
Les intrus fumaient d'étranges cigares et buvaient une gorgée de bouteilles de forme invisible. Sans voix, Bebentchioukas regarda encore un bout de temps comment ils se déchaînaient. Il réfléchissait afin de comprendre lorsqu'il vit qu'ils avaient disparu aussi soudainement qu'ils étaient apparus. Respirant plus facilement, il s'approcha du bûcher piétiné, y mit quelques bûches sèches et commença à regarder tout autour.
– Ouste, la vilaine!, fit échapper le pêcheur lorsque son regard heurta une beauté blonde aux longues jambes, appuyée contre un arbre. Tu es vraiment une fée?
Il se signa trois fois et cracha par-dessus son épaule gauche, mais l'apparition ne disparut pas. Elle s'approcha tout doucement de Bebentchioukas et mit ses bras autour de son cou.
Personne n'avait encore jamais étreint le pêcheur si gentiment, celui-ci s'évanouit même d'étonnement.
Après avoir repris ses esprits, il observa attentivement la nouvelle venue et, avec l'eau à la bouche, lui proposa timidement:
– Vous avez peut-être faim, madame la fée? Je pourrais partager un brochet.
– Quel charmant chevalier ! Cher gouverneur de l'île, tu es un vrai cow-boy!, chantonna la visiteuse qui, avec un clin d'œil, proposa: - On peut peut-être faire connaissance? Je suis Barbie. Et toi, quel est ton nom?
– Bebentchioukas, se présenta le pêcheur en retirant doucement de son cou les mains de la belle.
– Eh Baby !, chanta la nouvelle venue peut-être en samogitien ou dans un dialecte inconnu, puis elle l'embrassa trois fois sur la joue.
– Heureux de vous rencontrer, je ne m'appelle pas Baby mais Bebentchioukas, précisa le pêcheur troublé.
– Dans mon royaume au-delà des mers, personne ne porte de si longs noms, expliqua Barbie en souriant gentiment, c'est pourquoi je vais raccourcir ton nom, mon cher, et je t'appellerai Baby. Bebentchioukas. Pff ! Un nom trop long et trop compliqué pour ma langue.
– Hélas, je ne sais pas raccourcir ton nom, sauf en Brrr, je t'appellerai donc par ton nom Barbie, marmonna Bebentchioukas, plus précisément Baby, assez déçu de son intelligence, puis il se précipita pour entretenir le feu déjà bien affaibli.
En préparant le poisson et le dîner, il observa tout le temps Barbie qui, grimpée sur une pierre, inspectait l'île, puis qui s'écria joyeusement:
– Que c'est romantique! C'est comme Robinson ! Ce serait chouette de vivre ici tous les deux!
Elle était charmée non seulement par l'île, mais aussi par la modeste maison de Baby et même par le bateau qu'elle appelait caboteur.
– Dieu merci, soupira Baby, que ce ne soit pas cabotin.
La nouvelle venue était enchantée par la soirée organisée par Baby, bien qu'elle avala de travers le premier morceau de poisson et que des larmes jaillirent au deuxième morceau, où il y avait une grosse arrête. Voyant combien elle était affamée, Bebentchioukas tria de ses mains chaque arrête de poisson et mis les morceaux de brochet dans la bouche de Barbie. Et bien qu'à chaque fois elle morde douloureusement Baby au doigt, il subissait virilement la douleur et la nourrit jusqu'à satiété.
Les premières étoiles commençaient à briller, et Baby prépara le lit pour Barbie. Lui-même ne s'assoupit qu'au petit matin. A peine réveillé, il pensa qu'il avait tout rêvé. Toutefois, jetant un regard tout autour, il aperçut la charmante Barbie couverte de filets, qui dessinait quelque chose avec ses crayons de couleurs. Sentant que Baby l'observait, elle s'écria avec enthousiasme:
– O Baby, j'ai pensé à ça pour que tu fasses de beaux rêves ! Nous vivrons comme au Paradis!
Après s'être rappelé qu'il n'était déjà plus Bebentchioukas mais Baby, le pêcheur s'approcha de la table, sur laquelle se trouvait un tas de dessins. Sur une feuille, trônait un sublime château avec deux tours, sur une autre un long pont élégant reliant l'île à la rive, et sur une troisième un bateau fabuleux voguant sur les vagues du lac. Sans se presser et sans prononcer un seul mot, il feuilleta les feuilles l'une après l'autre et examina tous les dessins.
– Tu n'es pas heureux?, souffla Barbie, indignée de ne pas le surprendre. – Notre château, notre pont, notre bateau à tous les deux ! Nous organiserons des fêtes dans un château ainsi que des concours de mode! Nous ouvrirons un casino! Nous serons riches et connus dans le monde entier!
– Hum..., marmonna Baby. Il commença à s'inquiéter et essaya de calculer dans sa tête combien tout cela pourrait coûter.
Voyant que Baby n'était pas décidé à de tels changements, Barbie retroussa le nez.
– Tu ne me trouves peut-être pas belle?, coupa Barbie froissée en montant gracieusement sur une chaise comme pour un concours de beauté.
– Tu es très belle, se défendit Baby, admirant sa silhouette et rougissant un peu de honte de n'avoir pas été capable de le lui dire avant.
– Eh bien, si je suis belle pour toi, on peut dire que tu m'aimes, Barbie rusait. – Et si tu m'aimes, tu dois tout faire pour moi. J'ai même composé un poème pour toi. Ecoute comme il est bien:
Je suis venu de loin,
J'ai rencontré Bebentchioukas.
Et il est devenu mon Baby,
On ne nous séparera pas même avec un couteau.
Notre amour est éternel.
Quel poème.
Assez!
– Assez!, s'exclama à haute voix Baby et, sans un mot de plus, il franchit rapidement la porte.
Il saisit un énorme marteau et, comme s'il faisait de la gymnastique orientale, il commença à le brandir en visant la tirelire en pierre.
– Assez! Ca suffit! Bebentchioukas fulminait contre sa vie fatigante. Ca suffit de vivre pauvrement et d'économiser! Ca m'ennuie! Je serai un monsieur et un poète!
L'œuvre de Barbie le charmait tant qu'il commença lui-même à faire des vers. Et pourquoi pas ? Visant une nouvelle fois, il cogna avec le marteau sur la tirelire en pierre, et une averse d'étincelles se répandit. Un vrai feu d'artifices! Il mit le marteau de côté, s'allongea par terre et commença à écrire le premier poème de sa vie. Baby voulait répondre à la strophe d'amour composée par Barbie avec sa propre chanson d'amour enflammé.
– Ah toi, Barbie, Barbie, Barbie, Barbie... Il n'arrivait pas à trouver le bon mot pour qualifier ce cher nom.
Baby se creusa bien longtemps la tête et ne sentit pas que son doigt, comme traçant un nom sur le sable, tapotait dans l'eau du lac. Il essayait de tracer avec la paume des mots sur les vaguelettes du lac, mais ceux-ci y disparaissaient en un instant. Au moment où le pêcheur s'enfonçait dans l'eau jusqu'à la taille, le premier mot correspondant à une rime lui vint à l'esprit: otarie. Barbie – otarie... Ca rimait pas mal, mais cela n'allait pas du tout pour caractériser sa silhouette parfaite, mais c'était le mieux pour exprimer ses propres sentiments.
Il essaya encore une fois de faire des vers. Craignant que quelqu'un entende sa bouche prononcer une nouvelle phrase inachevée, Baby marmonna vite sous l'eau.
Après s'être traité de poète manqué, il frappa si fort sur la tirelire en pierre qu'il ne sentit pas lorsque la pierre se fendit en deux et que se répandirent à ses pieds les centaines, voire peut-être même les milliers de sous économisés durant de longues années.
– Bebentchioukas a gagné de l'argent, Baby le dépensera. Bebentchioukas a économisé, Baby le dépensera, répétait telle une prière le pêcheur en ramant avec les bras dans une mer dorée par l'argent. Barbie, regarde comme nous sommes riches. Je ne sais peut-être pas écrire de poèmes, mais pour pêcher des sous, sache que j'ai du talent.
Barbie frappa du pied et gémit:
– Baby a gagné de l'argent, Barbie le dépensera. Baby a économisé, Barbie le dépensera.
Elle sortit rapidement son portable et commença à téléphoner aux quatre coins du monde.
– Allo! Hello! Davaj! No! No! – Les instructions, les ordres et les réservations autoritaires de Barbie se propageaient dans différentes langues.
Une petite heure plus tard, les premiers dirigeables apparurent au-dessus de leur tête. Certains leur lancèrent les piliers du pont, d'autres les recouvrirent d'un large pont, d'autres encore décorèrent l'île avec des tapis verts au parfum de fleurs, ainsi que des plantes et des arbres extraordinaires. L'île se transformait en un vrai Paradis. Tout autour, des fleurs aux couleurs éclatantes fleurissaient, des bananes et des oranges odorantes mûrissaient, et des singes adroits sautillaient dans les fines branches d'un palmier. L'un d'eux cueillit tout en haut une noix de coco de la taille d'une tête et la jeta à Baby. Après l'avoir attrapé et fendu en deux, le pêcheur tomba à l'intérieur sur une boisson douce comme un rêve.
– A partir de maintenant nous vivrons comme dans un conte, fit en léchant Baby qui se délectait de plaisir.
– Nous aurons notre propre Paradis!, Barbie jubilait en entassant l'argent dans de grands sacs.
Les sacs contenant les sous de Baby étaient en un clin d'œil tirés avec des cordes dans les dirigeables qui, après avoir fait un signe des ailes, se dirigeaient vers l'ouest. Au même moment, un énorme zeppelin, ou alors un dirigeable, auquel était accroché un château d'une taille incroyable, recouvrit le ciel. Le château atterrit au milieu de l'île tel une volée d'enchantements. Habile, le vendeur du château et ses cinq assistants portaient rapidement l'or qui leur appartenait dans des coffres en fer et, après s'être penchés trois fois, les poussaient dans le zeppelin suspendu au-dessus des têtes.
– Ah Barbie, que tu es merveilleuse et sage! Heureux, le fiancé vantait l'élue de son coeur. Pas une fois il n'avait imaginé en quelles beautés et merveilles se transformerait l'argent pêché toute sa vie.
Baby se sentait comme au septième ciel. Il ne remarqua même pas que trois soucoupes volantes descendaient du ciel. Elles transportaient un croissant de lune, un morceau de soleil et un régiment d'étoiles. Tout ceci était accroché avec goût au-dessus de l'île. Les nouveaux venus remirent à Barbie un appareil de contrôle du ciel, qui ressemblait assez à un téléphone portable, et lui apprirent à l'utiliser. Baby vit alors le miracle des miracles. Selon les souhaits de Barbie, le soleil se couchait, les nuages se dissipaient ou les étoiles brillaient. Pour un tel cadeau, il n'était pas dommage de donner ses derniers sous que des extraterrestres à mille bras entassaient d'un geste dans de larges poches puis, après avoir sifflé trois fois, s'envolaient de nouveau dans le cosmos.
Barbie et Baby se promenèrent longtemps dans les salons spacieux du château, montèrent dans les tours, descendirent dans les souterrains remplis de toute sorte de biens.
– Voilà, on va faire des fêtes dans cette salle, expliqua Barbie en prenant Baby par la main. – De cette tour, nous apercevrons le soleil levant ou couchant selon nos souhaits. Nous installerons une énorme piscine dans la cave. J'aime beaucoup nager.
A quoi sert une piscine lorsqu'il y a un lac tout à côté. Baby ne comprenait pas, mais il lui était infiniment agréable d'obéir à l'élue de son coeur et rêver à un avenir merveilleux.
– Promenons-nous maintenant sur l'île, invita Barbie qui saisit l'appareil de contrôle du ciel.
Baby admira des fleurs inconnues, des fruits qu'il n'avait jusqu'à présent vus que dans des livres et qui aujourd'hui mûrissaient sur leur île. Il cueillit des bananes parfumées, des oranges, des avocats. Un vrai Paradis!
Le soleil se coucha derrière les grands palmiers. La fraîcheur du soir tomba sur l'île.
– Je vais peut-être t'apporter un foulard, proposa Baby en voyant la robe transparente de Barbie.
– Et à quoi sert l'appareil de contrôle du ciel ?, expliqua fièrement Barbie.
Elle tourna la poignée, et le soleil de midi réglé par Barbie changea. Sur l'île il faisait aussi chaud qu'en Afrique. En maillot de bain, Barbie s'étendit sur le sable brûlant et commença à rêver:
– J'aimerais que ta barque se transforme en un grand bateau, semblable au "Titanic". Sous l'eau, j'aménagerai plusieurs pièces et j'admirerai à travers les murs de verre les nénuphars, les petits poissons et les ondines. Tu t'occuperas, mon chéri, que des ondines s'installent dans notre lac?
Avec approbation, Baby hocha la tête, sur laquelle des soucis incroyables s'étaient aujourd'hui abattus. Il pensait: "Combien coûteront les bateaux, le palais sous l'eau, les ondines?". De crainte que l'élue de son cœur n'ait encore plus d'idées, il prit en cachette l'appareil de contrôle du ciel et tourna le soleil en direction de la forêt. Avec l'autre poignée, il alluma les étoiles. D'emblée, les oiseaux se turent, les singes s'assoupirent dans les palmiers, et Barbie s'endormit profondément. Baby la prit dans les bras et la porta dans la chambre. Il fit le lit, l'allongea sur huit oreillers, l'admira une minute et, préoccupé, sortit dans la nuit.
Baby s'assit sur le bord de sa barque et commença à étudier où il pourrait obtenir de l'argent. La fontaine d'argent qui avait coulé de la tirelire en pierre était depuis longtemps tarie, il ne restait plus un sou. Après s'être longtemps creusé la tête et n'avoir rien pensé de mieux, il rassembla son vieux matériel de pêcheur et, après s'être assis dans sa barque, il rama jusqu'au milieu du lac. Bien qu'il jeta tous ses appâts et mit tous ses filets, il n'attrapa pas le moindre petit poisson. Il se souvint alors qu'il avait dans sa poche l'appareil de contrôle du ciel. Il réveilla rapidement le soleil et l'accrocha à l'est. Il essaya une nouvelle fois toutes ses ruses de pêcheur, mais des petits goujons mordaient. Avec ça il ne pourra même pas acheter un trou de craquelin.
Sans perdre espoir, le pêcheur, de plus en plus enragé, tournait les poignées de l'appareil. Il tourna le soleil à l'est, à l'ouest, il essaya aussi de l'accrocher au nord. Il tenta aussi d'accrocher des étoiles en plein jour. Le poisson ne mordait pas, c'est tout. "Apparemment, ils ont complètement perdu la tête à cause des changements incroyables du ciel. Ils ont peut-être perdu l'appétit ou ont eu peur à la vue d'étoiles scintillantes en plein jour?", réfléchit Bebentchioukas.
Un énorme dépit et la colère l'envahirent. Il tourna si fortement la poignée de l'appareil que le soleil avec la lune et tout le régiment d'étoiles surgirent directement dans le lac. Ils déchirèrent le silence comme un fracas de tonnerre, les vagues montèrent, le lac bouillonna tel une chaudière brûlante. Un brouillard épais recouvrit toute la région.
Lorsque le brouillard se dissipa, Baby vit le vrai soleil du matin se lever. Ses rayons éclairaient l'île noyée dans les palmiers, ainsi que le château de rêve, dans lequel dormait profondément la belle Barbie. Non, il ne pouvait en aucun cas retourner vers elle les poches vides et un appareil cassé et non réparé.
– Que dois-je faire moi pauvre malheureux? Comment contenter au moins la moitié des désirs de Barbie?, pensa à haute voix Baby en se balançant dans la barque et en tirant un filet vide. Il était lui-même prêt à se fourrer dans un filet, si seulement quelqu'un payait cher pour cela.
– Viens vers moi, je te donnerai un bon conseil. Le malheureux entendit de manière inattendue la voix de quelqu'un. Il remarqua seulement à cet instant que les vagues avaient fait flotter la barque près d'une berge entourée de chênes. Là, Baby vit un homme d'affaires connu de tout le voisinage, qui savait, comme on dit, faire beaucoup d'argent à partir de rien.
– Si je comprends bien, il te manque des sous?, le businessman désigna ainsi le malheur de Baby sans même le saluer. – Ne te décourage pas, mon frère. Comme dit mon chef, lorsqu'il faut de l'argent, il y a de l'argent. Empoigne une hache, une scie, relève tes manches et coupe cette forêt de chênes. D'autres ont déjà coupé l'autre moitié de la forêt, en quoi tu serais plus mauvais ? Ne traîne pas, car je peux changer d'avis. Alors quoi?
Baby, qui auparavant n'aurait pas cassé une branche, avait maintenant empoigné les outils, comme s'il avait perdu la tête, et s'était jeté sur le travail. Il semblait que ces chênes centenaires étaient ses plus grands ennemis.
Au lever du soleil, il ne restait plus de forêt de chênes. La berge du lac devint chauve comme la tête d'un prisonnier. C'est pourquoi Baby mit dans la barque tout le sac d'argent. Pas simplement des sous, mais du véritable argent étranger.
Epanoui, il retourna au château. Barbie était encore vautrée sur le lit et téléphonait à quelqu'un avec son portable. D'après sa voix animée, Baby comprit qu'elle était bien disposée. Barbie invitait quelqu'un à une fête.
Bebentchioukas avoua qu'il avait cassé l'appareil de contrôle du ciel.
– Une broutille! La jeune maîtresse de maison rit bruyamment. – Je téléphonerai au bureau du cosmos et je commanderai un nouveau soleil et de nouvelles étoiles. N'en parlons pas aujourd'hui et ne nous en occupons plus. J'ai autre chose en tête. Je pensais organiser une fête et j'ai invité mes amis ! Allons la préparer car les premiers invités vont bientôt atterrir.
Barbie sauta vivement du lit et traîna Baby dans les penderies. Une des plus grandes tours du château était pleine de toute sorte de parures. Toutes les robes, les chapeaux et les souliers n'avaient qu'une seule taille et n'allaient qu'à elle. Baby ne se sentit pas à l'aise, lorsqu'il se vit dans le grand miroir. Ses habits de pêcheur étaient déteints, rapiécés par endroits.
– Ne te décourage pas, mon chéri. La sage Barbie lui remontait le moral. – Nous allons organiser un carnaval. Je serai la princesse, et toi tu seras l'humble pêcheur Bebentchioukas. Tes vêtements iront précisément.
Baby se calma. Il donna des vêtements à la belle Barbie, qui essaya de choisir ceux qui allaient le mieux. On entendit bientôt le vrombissement des avions et le cliquetis des voitures. Ils observèrent tous les deux les invités qui jaillissaient de tous côtés en parachutes, en limousines et en bateaux. Bebentchioukas décida qu'ils venaient tous d'Okaicity, à propos duquel il avait déjà entendu parlé. Tous les invités étaient d'Okaicity, il n'y avait pas de doute, car ils prononçaient toujours tous les deux mots un "okay" incroyable pour lui. Seul résonnait dans le château:
– Barbie, okay!
– Le château, okay!
– Du dindon cuit, okay!
– L'île, okay!
– L'appétit, okay!
– On passe à table, okay?
Telle une rivière au printemps, les invités voguaient vers la salle de réception, mais avant qu'aucun n'ait eu le temps de s'asseoir à table, quelqu'un commença à sonner avec force au portail. Bebentchioukas fonça dans la cour et, à peine passé la porte du château, vit deux policiers de grande taille.
– Nous cherchons monsieur Bebentchioukas, alias Baby, se présentèrent les agents.
– Je suis Bebentchioukas, et ma belle Barbie m'a surnommé Baby, articula le propriétaire du château, troublé par le comportement sévère des agents qui ne concordait pas vraiment avec un état d'esprit de fête.
– Nous devons vous arrêter pour avoir couper la forêt de chênes, coupèrent net les policiers qui, avant même que Bebentchioukas ait eu le temps de pousser un cri, lui passèrent les menottes.
"C'est peut-être bien qu'on ne m'ait pas permis de dire au revoir, pensa tristement Bebentchioukas en passant le nouveau pont sur lequel il n'avait pas eu le temps de se promener. – Quelle honte cela aurait été de se retrouver avec des menottes devant la belle Barbie et les habitant d'Okaicity".
Bebentchioukas était très triste dans la cellule froide. Il était seulement ravi du fait que Barbie restait libre et pouvait se réjouir du beau château, de l'île de palmiers et de tous ses biens qu'il avait gagnait. "Qui sait, est-ce quelqu'un lui a aménagé les salles sous l'eau ? Avait-elle acheté un nouvel appareil de contrôle du ciel ? Est-ce qu'elle se contente d'un soleil qui appartient à tous ?", pensait Baby.
Bebentchioukas réfléchit de nombreux jours et de nombreuses nuits sur l'élue de son cœur. On ne peut pas dire qu'elle avait oublié son bienfaiteur. Elle savait que son Baby se trouvait dans une cellule froide avec de lourds barreaux en fer, elle était horriblement indignée. La douce Barbie ne regrettait pas les quelques sous gagnés par Bebentchioukas et à cause desquels celui-ci souffrait aujourd'hui. Elle lui acheta de jolis barreaux en or, que le gardien de prison fixa, avec la jalousie de tous les autres détenus, à la place des grossiers barreaux en fer. Chaque jour, Bebentchioukas caressait l'or qui brillait et vivait avec de vibrants souvenirs.
Dix ans après, il fut remis en liberté et fonça comme s'il avait des ailes directement à son château. Hélas, des étrangers occupaient l'île et le château. Ceux-ci racontèrent que Barbie leur avait vendu depuis longtemps le château et l'île, qu'elle avait fait une belle fête de départ avec ses amis et qu'elle était partie dans une direction inconnue.
– Apparemment à Okaicity, songea à haute voix Bebentchioukas.
– Peut-être à Okaicity, ou peut-être plus loin encore, rajoutèrent les nouveaux propriétaires.
Ils avaient entendu dire que Barbie était devenue artiste ou mannequin, et que petits et grands maintenant l'admiraient.
Bebentchioukas raconta l'histoire que vous connaissez déjà aux nouveaux propriétaires qui le plaignirent. Ils lui construisirent une petite chaumière sur l'autre rive et retrouvèrent son vieux bateau, et Bebentchioukas recommença à pêcher. Les nouveaux maîtres des lieux achetaient tout ce qu'il attrapait. Il n'avait plus de quoi économiser, mais l'argent suffisait pour la crème et les chips.
Bebentchioukas ne se plaignait pas de son sort. La barque n'était pas encore percée, dans la maisonnette il y avait de la place pour le lit et une table, et, même s'il y en a moins, il y a aussi du poisson. "Peut-être que Barbie reviendra un jour de Okaicity ?, pensait Bebentchioukas avec les beaux jours. Elle est si bonne".
Encore aujourd'hui, Bebentchioukas pêche et attend. Peut-être quelqu'un lira cette histoire et croisera la belle Barbie. Il la croisera et lui racontera que Bebentchioukas l'attend toujours. Elle prendra sans doute place dans un dirigeable, un avion ou même une fusée et atterrira un beau jour dans l'île du lac de Pagiriai. Ils se retrouveront tous les deux et commenceront une nouvelle vie, comme au Paradis.
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