2024-11-05, Antradienis
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France

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Il était une fois sur l'île du lac de Pa­gi­riai, un pêcheur du nom de Be­bent­chio­u­kas. Cha­que ma­tin, il al­lait pêcher avec sa bar­que. Le soir, après avoir ven­du sa pri­se pour qu­el­qu­es sous, il ache­tait des chips, du co­ca-co­la ou de la crème, et il ca­chait le res­te dans une ti­re­li­re en pier­re. Il avait l'in­ten­tion l'année su­ivan­te, après avoir bien éco­no­misé, de cher­cher une fem­me et fai­re un mer­veil­leux ma­ria­ge. Il au­ra alors be­soin d'ar­gent pour ache­ter une nou­vel­le bar­que puis­que sa fem­me aus­si ai­me­rait pêcher. Après la nais­san­ce des en­fants, la fa­mil­le créera sa pro­pre so­ciété de pêche "Be­bent­chio­u­kas". Qu­el meil­leur nom pen­ser?
Tant qu'il n'y avait ni fem­me ni en­fants, le pêcheur ren­trait chez lui le soir, fai­sait cui­re du po­is­son, man­ge­ait des chips, dégus­tait du co­ca-co­la, re­gar­dait le ciel étoilé et li­sait des his­toi­res. Cel­le qu'il préférait en­tre tou­tes était l'his­toi­re du nom de sa fu­tu­re so­ciété "Be­bent­chio­u­kas". C'est po­ur­quoi, en li­sant une phra­se après l'aut­re, il s'éga­rait sou­vent en esp­rit à l'épo­que où des el­fes ou des fées, soupçonnées de pa­res­ser sur les ber­ges des lacs, avai­ent ob­ligé plus d'un pêcheur à croi­re en leurs en­chan­te­ments.
– Com­me c'est bien que ce soit au­jourd'hui une aut­re épo­que! Je peux dor­mir tran­quil­le­ment, car au­cu­ne fée ni el­fe n'a sonné une seu­le fois à la por­te de ma chau­miè­re. Après avoir soufflé la bou­gie et s'être récon­forté, l'heu­reux Be­bent­chio­u­kas plon­ge­ait dans le ro­y­au­me des rêves.
Il au­rait con­ti­nué à viv­re ain­si, si un événe­ment étran­ge n'avait troublé sa tran­quil­lité. Un soir, de bru­y­ants tou­ris­tes s'égarè­rent à l'im­pro­vis­te sur l'île. Com­me il en avait l'ha­bi­tu­de, le pêcheur se prépa­rait à cui­re du po­is­son, lors­qu'il en­ten­dit des bruits étran­ges der­riè­re la fenêtre. La por­te à pei­ne en­trebâillée, il aperçut qu­el­que cho­se d'inc­ro­y­ab­le: des per­son­nes bi­zar­res en short ou sans pan­ta­lon, rasées ou avec des che­veux longs dan­sai­ent au­tour de son bû­cher com­me des sau­va­ges. Ils sa­luè­rent bru­y­am­ment le maître des lie­ux:
– Sa­lut, l'In­dien!
– Bon­jour, Ro­bin­son!
– Hel­lo, Tar­zan!
Les in­trus fu­mai­ent d'étran­ges ci­ga­res et bu­vai­ent une gorgée de bou­teil­les de for­me in­vi­sib­le. Sans voix, Be­bent­chio­u­kas re­gar­da en­co­re un bout de temps com­ment ils se déchaînai­ent. Il réfléchis­sait afin de com­pren­dre lors­qu'il vit qu'ils avai­ent dis­pa­ru aus­si sou­dai­ne­ment qu'ils étai­ent ap­pa­rus. Res­pi­rant plus fa­ci­le­ment, il s'ap­pro­cha du bû­cher piétiné, y mit qu­el­qu­es bû­ches sèches et com­mença à re­gar­der tout au­tour.
– Ous­te, la vi­lai­ne!, fit échap­per le pêcheur lors­que son re­gard heur­ta une be­auté blon­de aux lon­gu­es jam­bes, ap­puyée con­tre un arb­re. Tu es vrai­ment une fée?
Il se sig­na trois fois et cra­cha par-des­sus son épau­le gau­che, mais l'ap­pa­ri­tion ne dis­pa­rut pas. El­le s'ap­pro­cha tout dou­ce­ment de Be­bent­chio­u­kas et mit ses bras au­tour de son cou.
Per­son­ne n'avait en­co­re ja­mais étreint le pêcheur si gen­ti­ment, ce­lui-ci s'éva­nou­it même d'éton­ne­ment.
Après avoir rep­ris ses esp­rits, il ob­ser­va at­ten­ti­ve­ment la nou­vel­le ve­nue et, avec l'eau à la bou­che, lui pro­po­sa ti­mi­de­ment:
– Vous avez peut-être faim, ma­da­me la fée? Je po­ur­rais par­ta­ger un bro­chet.
– Qu­el char­mant che­va­lier ! Cher gou­ver­neur de l'île, tu es un vrai cow-boy!, chan­ton­na la vi­si­teu­se qui, avec un clin d'œil, pro­po­sa: - On peut peut-être fai­re con­nais­san­ce? Je suis Bar­bie. Et toi, qu­el est ton nom? 
– Be­bent­chio­u­kas, se présen­ta le pêcheur en re­ti­rant dou­ce­ment de son cou les mains de la bel­le.
– Eh Ba­by !, chan­ta la nou­vel­le ve­nue peut-être en sa­mo­gi­tien ou dans un dia­lec­te in­con­nu, puis el­le l'emb­ras­sa trois fois sur la joue. 
– Heu­reux de vous ren­con­trer, je ne m'ap­pel­le pas Ba­by mais Be­bent­chio­u­kas, préci­sa le pêcheur troublé. 
– Dans mon ro­y­au­me au-de­là des mers, per­son­ne ne por­te de si longs noms, ex­pli­qua Bar­bie en sou­riant gen­ti­ment, c'est po­ur­quoi je vais rac­cour­cir ton nom, mon cher, et je t'ap­pel­le­rai Ba­by. Be­bent­chio­u­kas. Pff ! Un nom trop long et trop com­pli­qué pour ma lan­gue. 
– Hélas, je ne sais pas rac­cour­cir ton nom, sauf en Brrr, je t'ap­pel­le­rai donc par ton nom Bar­bie, mar­mon­na Be­bent­chio­u­kas, plus précisément Ba­by, as­sez déçu de son in­tel­li­gen­ce, puis il se préci­pi­ta pour en­tre­te­nir le feu déjà bien af­faib­li.
En prépa­rant le po­is­son et le dîner, il ob­ser­va tout le temps Bar­bie qui, grimpée sur une pier­re, ins­pec­tait l'île, puis qui s'écria jo­y­eu­se­ment:
– Que c'est ro­man­ti­que! C'est com­me Ro­bin­son ! Ce se­rait chou­et­te de viv­re ici tous les deux!
El­le était charmée non seu­le­ment par l'île, mais aus­si par la mo­des­te mai­son de Ba­by et même par le ba­te­au qu'el­le ap­pe­lait ca­bo­teur. 
– Dieu mer­ci, sou­pi­ra Ba­by, que ce ne soit pas ca­bo­tin.
La nou­vel­le ve­nue était en­chantée par la soirée or­ga­nisée par Ba­by, bien qu'el­le ava­la de tra­vers le pre­mier mor­ce­au de po­is­son et que des lar­mes jail­li­rent au deu­xiè­me mor­ce­au, où il y avait une gros­se arrête. Vo­y­ant com­bien el­le était af­famée, Be­bent­chio­u­kas tria de ses mains cha­que arrête de po­is­son et mis les mor­ce­aux de bro­chet dans la bou­che de Bar­bie. Et bien qu'à cha­que fois el­le mor­de  dou­lou­reu­se­ment Ba­by au doigt, il su­bis­sait vi­ri­le­ment la dou­leur et la nour­rit jus­qu'à sa­tiété.
Les pre­miè­res étoi­les com­mençai­ent à bril­ler, et Ba­by prépa­ra le lit pour Bar­bie. Lui-même ne s'as­sou­pit qu'au pe­tit ma­tin. A pei­ne réveillé, il pen­sa qu'il avait tout rêvé. Tou­te­fois, je­tant un re­gard tout au­tour, il aperçut la char­man­te Bar­bie cou­ver­te de fi­lets, qui des­si­nait qu­el­que cho­se avec ses cra­y­ons de cou­leurs. Sen­tant que Ba­by l'ob­ser­vait, el­le s'écria avec ent­hou­sias­me:
– O Ba­by, j'ai pensé à ça pour que tu fas­ses de be­aux rêves ! Nous viv­rons com­me au Pa­ra­dis!
Après s'être rap­pelé qu'il n'était déjà plus Be­bent­chio­u­kas mais Ba­by, le pêcheur s'ap­pro­cha de la tab­le, sur la­qu­el­le se trou­vait un tas de des­sins. Sur une feu­il­le, trônait un su­bli­me châte­au avec deux tours, sur une aut­re un long pont élégant re­liant l'île à la ri­ve, et sur une troi­siè­me un ba­te­au fa­bu­leux vo­gu­ant sur les va­gu­es du lac. Sans se pres­ser et sans pro­non­cer un seul mot, il feu­il­le­ta les feu­il­les l'une après l'aut­re et exa­mi­na tous les des­sins.
– Tu n'es pas heu­reux?, souf­fla Bar­bie, in­dignée de ne pas le sur­pren­dre. – Not­re châte­au, not­re pont, not­re ba­te­au à tous les deux ! Nous or­ga­ni­se­rons des fêtes dans un châte­au ain­si que des con­cours de mo­de! Nous ouv­ri­rons un ca­si­no! Nous se­rons ri­ches et con­nus dans le mon­de en­tier!
– Hum..., mar­mon­na Ba­by. Il com­mença à s'in­quiéter et es­sa­ya de cal­cu­ler dans sa tête com­bien tout ce­la po­ur­rait co­û­ter.
Vo­y­ant que Ba­by n'était pas décidé à de tels chan­ge­ments, Bar­bie ret­rous­sa le nez.
– Tu ne me trou­ves peut-être pas bel­le?, cou­pa Bar­bie froissée en mon­tant gra­cieu­­se­ment sur une chai­se com­me pour un con­cours de be­auté. 
– Tu es très bel­le, se défen­dit Ba­by, ad­mi­rant sa sil­hou­et­te et rou­gis­sant un peu de hon­te de n'avoir pas été ca­pab­le de le lui di­re avant.
– Eh bien, si je suis bel­le pour toi, on peut di­re que tu m'ai­mes, Bar­bie ru­sait. – Et si tu m'ai­mes, tu dois tout fai­re pour moi. J'ai même com­posé un poè­me pour toi. Ecou­te com­me il est bien:

Je suis ve­nu de loin,
J'ai ren­contré Be­bent­chio­u­kas.
Et il est de­ve­nu mon Ba­by,
On ne nous sépa­re­ra pas même avec un cou­te­au.
Not­re amour est éter­nel.
Qu­el poè­me.
As­sez!

– As­sez!, s'ex­cla­ma à hau­te voix Ba­by et, sans un mot de plus, il fran­chit ra­pi­de­ment la por­te.
Il sai­sit un énor­me mar­te­au et, com­me s'il fai­sait de la gym­nas­ti­que orien­ta­le, il com­mença à le bran­dir en vi­sant la ti­re­li­re en pier­re.
– As­sez! Ca suf­fit! Be­bent­chio­u­kas ful­mi­nait con­tre sa vie fa­ti­gan­te. Ca suf­fit de viv­re pauv­re­ment et d'éco­no­mi­ser! Ca m'en­nuie! Je se­rai un mon­sie­ur et un poè­te!
L'œuv­re de Bar­bie le char­mait tant qu'il com­mença lui-même à fai­re des vers. Et po­ur­quoi pas ? Vi­sant une nou­vel­le fois, il cog­na avec le mar­te­au sur la ti­re­li­re en pier­re, et une aver­se d'étin­cel­les se répan­dit. Un vrai feu d'ar­ti­fi­ces! Il mit le mar­te­au de côté, s'al­lon­gea par ter­re et com­mença à écri­re le pre­mier poè­me de sa vie. Ba­by vou­lait répon­dre à la strop­he d'amour com­posée par Bar­bie avec sa pro­pre chan­son d'amour en­flammé. 
– Ah toi, Bar­bie, Bar­bie, Bar­bie, Bar­bie... Il n'ar­ri­vait pas à trou­ver le bon mot pour qu­a­li­fier ce cher nom.
Ba­by se creu­sa bien long­temps la tête et ne sen­tit pas que son doigt, com­me traçant un nom sur le sab­le,  ta­po­tait dans l'eau du lac. Il es­sa­y­ait de tra­cer avec la pau­me des mots sur les va­gu­e­let­tes du lac, mais ceux-ci y dis­pa­rais­sai­ent en un ins­tant. Au mo­ment où le pêcheur s'en­fonçait dans l'eau jus­qu'à la tail­le, le pre­mier mot cor­res­pon­dant à une ri­me lui vint à l'esp­rit: ota­rie. Bar­bie – ota­rie... Ca ri­mait pas mal, mais ce­la n'al­lait pas du tout pour ca­ractéri­ser sa sil­hou­et­te par­fai­te, mais c'était le mie­ux pour ex­pri­mer ses pro­pres sen­ti­ments.  
Il es­sa­ya en­co­re une fois de fai­re des vers. Craig­nant que qu­el­qu'un en­ten­de sa bou­che pro­non­cer une nou­vel­le phra­se ina­chevée, Ba­by mar­mon­na vi­te sous l'eau.
Après s'être traité de poè­te man­qué, il frap­pa si fort sur la ti­re­li­re en pier­re qu'il ne sen­tit pas lors­que la pier­re se fen­dit en deux et que se répan­di­rent à ses pieds les cen­tai­nes, voi­re peut-être même les mil­liers de sous éco­no­misés du­rant de lon­gu­es années.
– Be­bent­chio­u­kas a gagné de l'ar­gent, Ba­by le dépen­se­ra. Be­bent­chio­u­kas a éco­no­misé, Ba­by le dépen­se­ra, répétait tel­le une priè­re le pêcheur en ra­mant avec les bras dans une mer dorée par l'ar­gent. Bar­bie, re­gar­de com­me nous som­mes ri­ches. Je ne sais peut-être pas écri­re de poè­mes, mais pour pêcher des sous, sa­che que j'ai du ta­lent.
Bar­bie frap­pa du pied et  gémit:
– Ba­by a gagné de l'ar­gent, Bar­bie le dépen­se­ra. Ba­by a éco­no­misé, Bar­bie le dépen­se­ra.
El­le sor­tit ra­pi­de­ment son por­tab­le et com­mença à télépho­ner aux qu­at­re coins du mon­de. 
– Al­lo! Hel­lo! Da­vaj! No! No! – Les in­struc­tions, les or­dres et les réser­va­tions au­to­ri­tai­res de Bar­bie se pro­pa­ge­ai­ent dans différen­tes lan­gu­es.
Une pe­ti­te heu­re plus tard, les pre­miers di­ri­ge­ab­les ap­pa­ru­rent au-des­sus de leur tête. Cer­tains leur lanc­èrent les pi­liers du pont, d'aut­res les re­couv­ri­rent d'un lar­ge pont, d'aut­res en­co­re décorè­rent l'île avec des ta­pis verts au par­fum de fleurs, ain­si que des plan­tes et des arb­res ex­tra­or­di­nai­res. L'île se trans­for­mait en un vrai Pa­ra­dis. Tout au­tour, des fleurs aux cou­leurs écla­tan­tes fleu­ris­sai­ent, des ba­na­nes et des oran­ges odo­ran­tes mû­ris­sai­ent, et des sin­ges ad­roits sau­til­lai­ent dans les fi­nes bran­ches d'un pal­mier. L'un d'eux cu­eil­lit tout en haut une noix de co­co de la tail­le d'une tête et la je­ta à Ba­by. Après l'avoir at­trapé et fen­du en deux, le pêcheur tom­ba à l'intérie­ur sur une bois­son dou­ce com­me un rêve.
– A par­tir de main­te­nant nous viv­rons com­me dans un con­te, fit en léchant Ba­by qui se délec­tait de plai­sir.
– Nous au­rons not­re pro­pre Pa­ra­dis!, Bar­bie ju­bi­lait en en­tas­sant l'ar­gent dans de grands sacs.
Les sacs con­te­nant les sous de Ba­by étai­ent en un clin d'œil tirés avec des cor­des dans les di­ri­ge­ab­les qui, après avoir fait un sig­ne des ai­les, se di­ri­ge­ai­ent vers l'ou­est. Au même mo­ment, un énor­me zep­pe­lin, ou alors un di­ri­ge­ab­le, au­qu­el était ac­croché un châte­au d'une tail­le inc­ro­y­ab­le, re­couv­rit le ciel. Le châte­au at­ter­rit au mi­lieu de l'île tel une volée d'en­chan­te­ments. Ha­bi­le, le ven­deur du châte­au et ses cinq as­sis­tants por­tai­ent ra­pi­de­ment l'or qui leur ap­par­te­nait dans des cof­fres en fer et, après s'être penchés trois fois, les po­us­sai­ent dans le zep­pe­lin su­spen­du au-des­sus des têtes.
– Ah Bar­bie, que tu es mer­veil­leu­se et  sa­ge! Heu­reux, le fiancé van­tait l'élue de son co­eur. Pas une fois il n'avait ima­giné en qu­el­les be­autés et mer­veil­les se trans­for­me­rait l'ar­gent pêché tou­te sa vie.
Ba­by se sen­tait com­me au sep­tiè­me ciel. Il ne re­mar­qua même pas que trois sou­cou­pes vo­lan­tes des­cen­dai­ent du ciel. El­les trans­por­tai­ent un crois­sant de lu­ne, un mor­ce­au de so­leil et un régi­ment d'étoi­les. Tout ce­ci était ac­croché avec go­ût au-des­sus de l'île. Les nou­ve­aux ve­nus re­mi­rent à Bar­bie un ap­pa­reil de contrôle du ciel, qui res­sem­blait as­sez à un télépho­ne por­tab­le, et lui ap­pri­rent à l'uti­li­ser. Ba­by vit alors le mi­rac­le des mi­rac­les. Se­lon les sou­haits de Bar­bie, le so­leil se cou­chait, les nu­a­ges se dis­si­pai­ent ou les étoi­les bril­lai­ent. Pour un tel ca­de­au, il n'était pas dom­ma­ge de don­ner ses der­niers sous que des ex­tra­ter­rest­res à mil­le bras en­tas­sai­ent d'un ges­te dans de lar­ges po­ches puis, après avoir sifflé trois fois, s'en­vo­lai­ent de nou­ve­au dans le cos­mos.
Bar­bie et Ba­by se pro­menè­rent long­temps dans les sa­lons spa­cie­ux du châte­au, mon­tèrent dans les tours, des­cen­di­rent dans les sou­ter­rains rem­plis de tou­te sor­te de biens.
– Voi­là, on va fai­re des fêtes dans cet­te sal­le, ex­pli­qua Bar­bie en pre­nant Ba­by par la main. – De cet­te tour, nous aper­cev­rons le so­leil le­vant ou cou­chant se­lon nos sou­haits. Nous ins­tal­le­rons une énor­me pis­ci­ne dans la ca­ve. J'ai­me be­au­coup na­ger.
A quoi sert une pis­ci­ne lors­qu'il y a un lac tout à côté. Ba­by ne com­pre­nait pas, mais il lui était in­fi­ni­ment agréab­le d'obéir à l'élue de son co­eur et rêver à un ave­nir mer­veil­leux.
– Pro­me­nons-nous main­te­nant sur l'île, in­vi­ta Bar­bie qui sai­sit l'ap­pa­reil de contrôle du ciel.
Ba­by ad­mi­ra des fleurs in­con­nu­es, des fruits qu'il n'avait jus­qu'à présent vus que dans des liv­res et qui au­jourd'hui mû­ris­sai­ent sur leur île. Il cu­eil­lit des ba­na­nes  par­fumées, des oran­ges, des avo­cats. Un vrai Pa­ra­dis!
Le so­leil se cou­cha der­riè­re les grands pal­miers. La fraîcheur du soir tom­ba sur l'île.
– Je vais peut-être t'ap­por­ter un fou­lard, pro­po­sa Ba­by en vo­y­ant la ro­be trans­pa­ren­te de Bar­bie. 
– Et à quoi sert l'ap­pa­reil de contrôle du ciel ?, ex­pli­qua fiè­re­ment Bar­bie.
El­le tour­na la poignée, et le so­leil de mi­di réglé par Bar­bie chan­gea. Sur l'île il fai­sait aus­si chaud qu'en Af­ri­que. En mail­lot de bain, Bar­bie s'éten­dit sur le sab­le brû­lant et com­mença à rêver:
– J'ai­me­rais que ta bar­que se trans­for­me en un grand ba­te­au, sem­blab­le au "Ti­ta­nic". Sous l'eau, j'aména­ge­rai plu­sie­urs piè­ces et j'ad­mi­re­rai à tra­vers les murs de ver­re les nénu­phars, les pe­tits po­is­sons et les on­di­nes. Tu t'oc­cu­pe­ras, mon chéri, que des on­di­nes s'ins­tal­lent dans not­re lac?
Avec ap­pro­ba­tion, Ba­by ho­cha la tête, sur la­qu­el­le des sou­cis inc­ro­y­ab­les s'étai­ent au­jourd'hui abat­tus. Il pen­sait: "Com­bien co­û­te­ront les ba­te­aux, le pa­lais sous l'eau, les on­di­nes?". De crain­te que l'élue de son cœur n'ait en­co­re plus d'idées, il prit en ca­chet­te  l'ap­pa­reil de contrôle du ciel et tour­na le so­leil en di­rec­tion de la forêt. Avec l'aut­re poignée, il al­lu­ma les étoi­les. D'emblée, les oi­se­aux se tu­rent, les sin­ges s'as­sou­pi­rent dans les pal­miers, et Bar­bie s'en­dor­mit pro­fondément. Ba­by la prit dans les bras et la por­ta dans la chamb­re. Il fit le lit, l'al­lon­gea sur huit oreil­lers, l'ad­mi­ra une mi­nu­te et, préoc­cupé, sor­tit dans la nuit.
Ba­by s'as­sit sur le bord de sa bar­que et com­mença à étu­dier où il po­ur­rait ob­te­nir de l'ar­gent. La fon­tai­ne d'ar­gent qui avait coulé de la ti­re­li­re en pier­re était de­puis long­temps ta­rie, il ne res­tait plus un sou. Après s'être long­temps creusé la tête et n'avoir rien pensé de mie­ux, il ras­sem­bla son vie­ux matériel de pêcheur et, après s'être as­sis dans sa bar­que, il ra­ma jus­qu'au mi­lieu du lac. Bien qu'il je­ta tous ses appâts et mit tous ses fi­lets, il n'at­tra­pa pas le moin­dre pe­tit po­is­son. Il se sou­vint alors qu'il avait dans sa po­che l'ap­pa­reil de contrôle du ciel. Il réveil­la ra­pi­de­ment le so­leil et l'ac­cro­cha à l'est. Il es­sa­ya une nou­vel­le fois tou­tes ses ru­ses de pêcheur, mais des pe­tits gou­jons mor­dai­ent. Avec ça il ne po­ur­ra même pas ache­ter un trou de cra­qu­e­lin.
Sans per­dre es­poir, le pêcheur, de plus en plus en­ragé, tour­nait les poignées de l'ap­pa­reil. Il tour­na le so­leil à l'est, à l'ou­est, il es­sa­ya aus­si de l'ac­cro­cher au nord. Il ten­ta aus­si d'ac­cro­cher des étoi­les en plein jour. Le po­is­son ne mor­dait pas, c'est tout. "Ap­pa­rem­ment, ils ont com­plète­ment per­du la tête à cau­se des chan­ge­ments inc­ro­y­ab­les du ciel. Ils ont peut-être per­du l'appétit ou ont eu peur à la vue d'étoi­les scin­til­lan­tes en plein jour?", réfléchit Be­bent­chio­u­kas.
Un énor­me dépit et la colè­re l'en­va­hi­rent. Il tour­na si for­te­ment la poignée de l'ap­pa­reil que le so­leil avec la lu­ne et tout le régi­ment d'étoi­les sur­gi­rent di­rec­te­ment dans le lac. Ils déchirè­rent le si­len­ce com­me un fra­cas de ton­ner­re, les va­gu­es mont­èrent, le lac bou­il­lon­na tel une chau­diè­re brû­lan­te. Un brou­il­lard épais re­couv­rit tou­te la région.
Lors­que le brou­il­lard se dis­si­pa, Ba­by vit le vrai so­leil du ma­tin se le­ver. Ses ra­y­ons éclai­rai­ent l'île noyée dans les pal­miers, ain­si que le châte­au de rêve, dans le­qu­el dor­mait pro­fondément la bel­le Bar­bie. Non, il ne po­uvait en au­cun cas re­tour­ner vers el­le les po­ches vi­des et un ap­pa­reil cassé et non réparé. 
– Que dois-je fai­re moi pauv­re mal­heu­reux? Com­ment con­ten­ter au moins la moi­tié des désirs de Bar­bie?, pen­sa à hau­te voix Ba­by en se ba­lançant dans la bar­que   et en ti­rant un fi­let vi­de. Il était lui-même prêt à se four­rer dans un fi­let, si seu­le­ment qu­el­qu'un pa­y­ait cher pour ce­la.
– Viens vers moi, je te don­ne­rai un bon con­seil. Le mal­heu­reux en­ten­dit de ma­niè­re inat­ten­due la voix de qu­el­qu'un. Il re­mar­qua seu­le­ment à cet ins­tant que les va­gu­es avai­ent fait flot­ter la bar­que  près d'une ber­ge en­tourée de chênes. Là, Ba­by vit un hom­me d'af­fai­res con­nu de tout le voi­si­na­ge, qui sa­vait, com­me on dit, fai­re be­au­coup d'ar­gent à par­tir de rien.
– Si je com­prends bien, il te man­que des sous?, le bu­si­nes­sman  désig­na ain­si le mal­heur de Ba­by sans même le sa­lu­er. – Ne­ te décou­ra­ge pas, mon frère. Com­me dit mon chef, lors­qu'il faut de l'ar­gent, il y a de l'ar­gent. Em­poig­ne une ha­che, une scie, relè­ve tes man­ches et cou­pe cet­te forêt de chênes. D'aut­res ont déjà coupé l'aut­re moi­tié de la forêt, en quoi tu se­rais plus mau­vais ? Ne traîne pas, car je peux chan­ger d'avis. Alors quoi?
Ba­by, qui au­pa­ra­vant n'au­rait pas cassé une bran­che, avait main­te­nant em­poigné les ou­tils, com­me s'il avait per­du la tête, et s'était jeté sur le tra­vail. Il sem­blait que ces chênes cen­te­nai­res étai­ent ses plus grands en­ne­mis.
Au le­ver du so­leil, il ne res­tait plus de forêt de chênes. La ber­ge du lac de­vint chau­ve com­me la tête d'un pri­son­nier. C'est po­ur­quoi Ba­by mit dans la bar­que tout le sac d'ar­gent. Pas sim­ple­ment des sous, mais du véri­tab­le ar­gent étran­ger.
Epa­noui, il re­tour­na au châte­au. Bar­bie était en­co­re vautrée sur le lit et télépho­nait à qu­el­qu'un avec son por­tab­le. D'après sa voix animée, Ba­by com­prit qu'el­le était bien dis­posée. Bar­bie in­vi­tait  qu­el­qu'un à une fête.
Be­bent­chio­u­kas avoua qu'il avait cassé l'ap­pa­reil de contrôle du ciel. 
– Une brou­til­le! La jeu­ne maîtres­se de mai­son rit bru­y­am­ment. – Je télépho­ne­rai au bu­re­au du cos­mos et je com­man­de­rai un nou­ve­au so­leil et de nou­vel­les étoi­les. N'en par­lons pas au­jourd'hui et ne nous en oc­cu­pons plus. J'ai aut­re cho­se en tête. Je pen­sais or­ga­ni­ser une fête et j'ai in­vité mes amis ! Al­lons la prépa­rer car les pre­miers in­vités vont bientôt at­ter­rir.
Bar­bie sau­ta vi­ve­ment du lit et traîna Ba­by dans les pen­de­ries. Une des plus gran­des tours du châte­au était plei­ne de tou­te sor­te de pa­ru­res. Tou­tes les ro­bes, les cha­pe­aux et les sou­liers n'avai­ent qu'une seu­le tail­le et n'al­lai­ent qu'à el­le. Ba­by ne se sen­tit pas à l'ai­se, lors­qu'il se vit dans le grand mi­roir. Ses ha­bits de pêcheur étai­ent déteints, ra­piécés par en­droits.
– Ne te décou­ra­ge pas, mon chéri. La sa­ge Bar­bie lui re­mon­tait le mo­ral. – Nous al­lons or­ga­ni­ser un car­na­val. Je se­rai la prin­ces­se, et toi tu se­ras l'hum­ble pêcheur Be­bent­chio­u­kas. Tes vête­ments iront précisément.
Ba­by se cal­ma. Il don­na des vête­ments à la bel­le Bar­bie, qui es­sa­ya de choi­sir ceux qui al­lai­ent le mie­ux. On en­ten­dit bientôt le vrom­bis­se­ment des avions et le cli­qu­e­tis des voi­tu­res. Ils ob­serv­èrent tous les deux les in­vités qui jail­lis­sai­ent de tous côtés en pa­ra­chu­tes, en li­mou­si­nes et en ba­te­aux. Be­bent­chio­u­kas déci­da qu'ils ve­nai­ent tous d'Okai­ci­ty, à pro­pos du­qu­el il avait déjà en­ten­du parlé. Tous les in­vités étai­ent d'Okai­ci­ty, il n'y avait pas de dou­te, car ils pro­nonçai­ent tou­jours tous les deux mots un "okay" inc­ro­y­ab­le pour lui. Seul réson­nait dans le châte­au: 
– Bar­bie, okay!
– Le châte­au, okay!
– Du din­don cuit, okay!
– L'île, okay!
– L'appétit, okay!
– On pas­se à tab­le, okay?
Tel­le une ri­viè­re au prin­temps, les in­vités vo­gu­ai­ent vers la sal­le de récep­tion, mais avant qu'au­cun n'ait eu le temps de s'as­se­oir à tab­le, qu­el­qu'un com­mença à son­ner avec for­ce au por­tail. Be­bent­chio­u­kas fonça dans la cour et, à pei­ne passé la por­te du châte­au, vit deux po­li­ciers de gran­de tail­le.
– Nous cher­chons mon­sie­ur Be­bent­chio­u­kas, alias Ba­by, se présent­èrent les agents.
– Je suis Be­bent­chio­u­kas, et ma bel­le Bar­bie m'a sur­nommé Ba­by, ar­ti­cu­la le pro­priétai­re du châte­au, troublé par le com­por­te­ment sévère des agents qui ne con­cor­dait pas vrai­ment avec un état d'esp­rit de fête.
– Nous de­vons vous arrêter pour avoir cou­per la forêt de chênes, coup­èrent net les po­li­ciers qui, avant même que Be­bent­chio­u­kas ait eu le temps de po­us­ser un cri, lui pas­sèrent les me­not­tes.
"C'est peut-être bien qu'on ne m'ait pas per­mis de di­re au re­voir, pen­sa tris­te­ment Be­bent­chio­u­kas en pas­sant le nou­ve­au pont sur le­qu­el il n'avait pas eu le temps de se pro­me­ner. – Qu­el­le hon­te ce­la au­rait été de se ret­rou­ver avec des me­not­tes de­vant la bel­le Bar­bie et les ha­bi­tant d'Okai­ci­ty".
Be­bent­chio­u­kas était très tris­te dans la cel­lu­le froi­de. Il était seu­le­ment ra­vi du fait que Bar­bie res­tait lib­re et po­uvait se réjou­ir du be­au châte­au, de l'île de pal­miers et de tous ses biens qu'il avait gag­nait. "Qui sait, est-ce qu­el­qu'un lui a aménagé les sal­les sous l'eau ? Avait-el­le acheté un nou­vel ap­pa­reil de contrôle du ciel ? Est-ce qu'el­le se con­ten­te d'un so­leil qui ap­par­tient à tous ?", pen­sait Ba­by.
Be­bent­chio­u­kas réfléchit de nomb­reux jours et de nomb­reu­ses nuits sur l'élue de son cœur. On ne peut pas di­re qu'el­le avait oub­lié son bien­fai­teur. El­le sa­vait que son Ba­by se trou­vait dans une cel­lu­le froi­de avec de lourds bar­re­aux en fer, el­le était hor­rib­le­ment in­dignée. La dou­ce Bar­bie ne re­gret­tait pas les qu­el­qu­es sous gagnés par Be­bent­chio­u­kas et à cau­se des­qu­els ce­lui-ci souf­frait au­jourd'hui. El­le lui ache­ta de jo­lis bar­re­aux en or, que le  gar­dien de pri­son fi­xa, avec la ja­lou­sie de tous les aut­res déte­nus, à la pla­ce des gros­siers bar­re­aux en fer. Cha­que jour, Be­bent­chio­u­kas ca­res­sait l'or qui bril­lait et vi­vait avec de vib­rants sou­ve­nirs.
Dix ans après, il fut re­mis en li­berté et fonça com­me s'il avait des ai­les di­rec­te­ment à son châte­au. Hélas, des étran­gers oc­cu­pai­ent l'île et le châte­au. Ceux-ci ra­cont­èrent que Bar­bie leur avait ven­du de­puis long­temps le châte­au et l'île, qu'el­le avait fait une bel­le fête de départ avec ses amis et qu'el­le était par­tie dans une di­rec­tion in­con­nue.
– Ap­pa­rem­ment à Okai­ci­ty, son­gea à hau­te voix Be­bent­chio­u­kas.
– Peut-être à Okai­ci­ty, ou peut-être plus loin en­co­re, ra­jout­èrent les nou­ve­aux pro­priétai­res.
Ils avai­ent en­ten­du di­re que Bar­bie était de­ve­nue ar­tis­te ou man­ne­quin, et que pe­tits et grands main­te­nant l'ad­mi­rai­ent.
Be­bent­chio­u­kas ra­con­ta l'his­toi­re que vous con­nais­sez déjà aux nou­ve­aux pro­priétai­res qui le plaig­ni­rent. Ils lui const­rui­si­rent une pe­ti­te chau­miè­re sur l'aut­re ri­ve et ret­rouv­èrent son vie­ux ba­te­au, et Be­bent­chio­u­kas re­com­mença à pêcher. Les nou­ve­aux maîtres des lie­ux ache­tai­ent tout ce qu'il at­tra­pait. Il n'avait plus de quoi éco­no­mi­ser, mais l'ar­gent suf­fi­sait pour la crème et les chips.
Be­bent­chio­u­kas ne se plaig­nait pas de son sort. La bar­que n'était pas en­co­re percée, dans la mai­son­net­te il y avait de la pla­ce pour le lit et une tab­le, et, même s'il y en a moins, il y a aus­si du po­is­son. "Peut-être que Bar­bie re­vien­dra un jour de Okai­ci­ty ?, pen­sait Be­bent­chio­u­kas avec les be­aux jours. El­le est si bon­ne".
En­co­re au­jourd'hui, Be­bent­chio­u­kas pêche et at­tend. Peut-être qu­el­qu'un li­ra cet­te his­toi­re et croi­se­ra la bel­le Bar­bie. Il la croi­se­ra et lui ra­con­te­ra que Be­bent­chio­u­kas l'at­tend tou­jours. El­le pren­dra sans dou­te pla­ce dans un di­ri­ge­ab­le, un avion ou même une fusée et at­ter­ri­ra un be­au jour dans l'île du lac de Pa­gi­riai. Ils se ret­rou­ve­ront tous les deux et com­men­ce­ront une nou­vel­le vie, com­me au Pa­ra­dis.

 
 
     
 

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